La vallée des Escalliers

..."On descend des Escalliers"...

Il est 10h du matin lorsque nous quittons Champ-Près-Froges. Bien que la prévision météo soit encourageante, de gros paquets de nuages s'accrochent sur les montagnes du Grésivaudan. Les vacances de la Toussaint viennent de commencer. A l'arrière de la voiture, les enfants discutent à baton rompu d'un sujet ou d'un autre. J'enfile mes lunettes de soleil, et fais mine de me concentrer sur la conduite.

Cette virée dans les Hautes-Alpes, je l'attends depuis un bon moment, et alors même que les kilomètres défilent, je me prends à douter. Qu'est-ce que j'espère trouver au bout de cette route? Je me sens comme aspiré par un fantasme, dans la peau d'un joueur de loto qui compte sa fortune a venir, cinq minutes avant le tirage. Je ne suis même pas certain du trésor que je recherche.

Il y a l'ombre d'un souvenir d'enfance - dont je ne replace pas l'année, 1982, peut-être? Il tient presque entier dans le nom d'un lieu, "la Marmotte". La Marmotte, Alpes du Sud, le Champsaur et le Valgaudemar... L'adresse est bien modérément précise, mais elle m'évoque d'autres noms en retour, Saint-Leger-Les-Mélèzes, Pont du Fossé. Ces noms là figurent encore sur la carte, étonnement proches de notre destination. Ils m'ont toujours semblé familliers, ces noms, m'évoquant des comptines, la banquette arrière de l'Amy 8 bleue, la voix et les grosses lunettes de papa. C'est l'été.

La mémoire est une amie fidèle, mais tellement déroutante. Je n'arrive plus a distinguer les souvenirs parmi mes étés d'enfance, où se confondent la Marmotte et Longchaumois, dans le haut Jura. Des étés qui se mélangent, et deux Citroëns qui se croisent sur une petite route. Dans l'autre, il y a ma cousine Claire, ma tante Mimi et mon oncle Michel. Avions-nous cueilli des myrtilles ou des framboises? Etaient-ce les Alpes ou la Franche-Comté? Reste-t-il la moindre trace de ce passé? Comment peut-on perdre si vite ses propres souvenirs...

Mais si j'ai souvent pensé aller faire un jour ce tour du coté du Champsaur, je ne suis pas à la recherche de la Marmotte. Pas encore. Pour celà, La meilleure piste serait sans doute les vieux papiers et les photos qui dorment à Dijon chez ma mêre. Certainement pas suivre cette route Napoléon qui nous emmène à présent au-delà de Grenoble, au coeur du Dauphiné. Les eaux du Drac s'étendent, à droite en contrebas de la route, en un ruban vert-bleu ininterrompu.